Est-ce le retour des taux ?
Plusieurs milliards de dollars cherchent à réintégrer le marché
Par Jim Leaviss, CIO Fixed Income, et Richard Woolnough, gérant chez M&G
Dans un contexte de ralentissement de la croissance et de l'inflation, les taux d'intérêt devraient baisser en 2024 et bénéficier aux obligations, permettant à des milliers de milliards de dollars actuellement investis en liquidités et dans des fonds monétaires de réintégrer le marché. Le crédit Investment Grade a-t-il évolué de telle sorte qu'il puisse générer des rendements ?
Après deux années de rendements négatifs pour les obligations et un cycle de hausse des taux parmi les plus agressifs, la fin de l'année 2023 a vu les investisseurs se ruer sur la classe d'actifs dans l'attente d'une baisse des taux au cours de 2024. Le rallye du quatrième trimestre a été une parfaite illustration du phénomène FOMO (Fear of Missing Out) où les investisseurs, ne voulant pas manquer les gains en capital, ont inondé le marché obligataire. L'indice Bloomberg Global Aggregate Bond a, à ce titre, augmenté de 10% entre octobre et la fin de l'année.
Si le consensus s’accorde à dire que les taux d'intérêt sont orientés à la baisse, les données économiques continuent d'envoyer des messages contradictoires et les marchés attendent toujours avec impatience un premier signe de la part des banques centrales. Six mille milliards de dollars sont actuellement placés sur des fonds monétaire (données à février 2024) et attendent d'être déployés dès que le mouvement de baisse deviendra évident et que la détention de liquidités deviendra moins rentable, constituant par là un soutien structurel important aux marchés obligataires.
Historiquement, les pics de taux indiquent des rendements élevés pour les obligations. Par exemple, l’acheteur d’un bon du Trésor américain à 10 ans 63 jours avant la première baisse des taux de la Réserve fédérale (Fed), réalise en moyenne une plus-value de 7% pour une baisse de 1% du rendement, à laquelle s’ajoute le coût du portage.
Risques
Toutefois, tenter de prévoir le marché est une tâche délicate, avec des risques macroéconomiques majeurs à prendre en considération.
- L'inflation. L'inflation n'est pas encore maîtrisée et une combinaison de chocs à court terme et de facteurs structurels à plus long terme pourrait se traduire par des chiffres d'inflation plus élevés que prévu.
- Récession – Si un atterrissage en douceur - scénario dans lequel l'inflation baisse sans que l'activité économique ne diminue - a été le discours dominant ces derniers temps, l'histoire montre qu'il est très difficile à réaliser. Il est rare d’avoir l’alignement d’une croissance soutenue, d’une inflation proche de l'objectif fixé et d’un marché du travail solide ; généralement l'un de ces indicateurs vacille presque inévitablement.
- Elections. Pour ajouter à l'incertitude, près de la moitié de la population mondiale se rendra aux urnes en 2024, y compris des économies majeures comme les États-Unis. Des résultats qui pourraient avoir de profondes répercussions à long terme sur l'économie mondiale.
- Émissions. Indépendamment de l'éventualité d'un second mandat de Trump, les émissions de dette publique américaine devraient être importantes cette année, étant donné qu’un tiers de la dette publique américaine doit être refinancé et que la politique budgétaire reste expansionniste même en période de relative vigueur économique, du fait de politiques telles que la loi sur la réduction de l'inflation, la loi CHIPS qui creusent le déficit, ou encore du poids des mesures de lutte contre les pandémies.
Opportunités dans les obligations d'entreprises
Les marchés obligataires dans leur ensemble se sont considérablement développés au cours des dernières décennies, atteignant aujourd'hui une valeur totale d'environ 130 000 milliards de dollars, créant ainsi un univers plus large et plus diversifié. Le marché des obligations d'entreprises en particulier a connu une évolution spectaculaire, se développant considérablement et offrant aux investisseurs une grande variété d'instruments dans lesquels investir aujourd'hui, qui n'existaient pas il y a 20 ans.
La quantité et l'ampleur des changements survenus au cours des 20 dernières années sont considérables. Les entreprises ont profité de la baisse des coûts d'emprunt à la suite de la crise financière mondiale pour s'endetter, n'ayant que peu d'intérêt à rester notées AA- ou A.
Toutefois, à mesure que le coût de l'emprunt augmentera, nous pensons que les entreprises choisiront d'améliorer leurs bilans. Entre 2020 et 2023, nous avons observé une croissance nette de 40 milliards de dollars « d’étoiles montantes » (entreprises passées de la catégorie High Yield (HY) à la catégorie Investment Grade (IG)), avec des noms tels que Ford Motor Company, car les entreprises dont les bilans étaient douteux pendant la pandémie de Covid-19 ont été reclassées. En 2023, 14 émetteurs, représentant 45,88 % de la valeur de marché, ont été retirés de l'indice « fallen angel » (un indice d'obligations précédemment notées IG, puis rétrogradées en HY), car ils ont été reclassés en IG.
Même constat dans l'univers HY qui n’a jamais été d’aussi bonne qualité. Les chiffres démontrent qu'il n'y a jamais eu autant d'obligations notées BB par rapport aux obligations notées B- et CCC qu'aujourd'hui.
Nous identifions donc de fortes opportunités dans certains secteurs comme les valeurs financières européennes, certains segments de l'immobilier et la dette des marchés émergents.