ELTIF 2.0 va encourager la croissance du crédit privé européen
Par Michael George, gérant du fonds ELTIF M&G Corporate Credit Opportunities chez M&G Investments
Dans un contexte d'incertitude persistante autour des taux d'intérêt et de l'inflation, le crédit privé représente une source intéressante de revenus stables à taux variables et de rendements non corrélés. Le nouveau règlement ELTIF sera le fer de lance de la démocratisation des stratégies de marchés privés en Europe, ayant le potentiel d'en élargir significativement l'accès.
Les marchés privés ont connu une croissance significative depuis la crise financière mondiale, mais sont restés historiquement la chasse gardée des investisseurs institutionnels. Aujourd'hui, grâce à des changements réglementaires favorables, tels que le Fonds européen d'investissement à long terme (ELTIF), les investisseurs individuels peuvent accéder à ces opportunités et à leur potentiel de rendement ajusté au risque.
Les ELTIF ont été créés pour encourager l'investissement dans l'économie réelle européenne, en orientant les capitaux vers les entreprises, les infrastructures et l'immobilier, tout en favorisant la démocratisation des actifs privés. Les décideurs politiques ont reconnu qu'il existait un déficit d’épargne pour la retraite en Europe et de financement pour les entreprises : 99 % d’entre elles sont des petites et moyennes entreprises, et alors qu’une croissance économique durable repose aussi bien sur le soutien aux entreprises privées que publiques.
ELTIF 2.0 : quels changements ?
La première version a été introduite en 2015, mais son adoption a été lente en raison des exigences en matière d'investissement minimum. Une version révisée du cadre d'investissement - ELTIF 2.0, en vigueur depuis le 20 janvier 2024 - vise à renforcer l'attractivité des véhicules.
Les principaux avantages restent inchangés : un accès réglementé aux actifs privés pour une base d'investisseurs plus large, un passeport de commercialisation de l'Union Européenne qui facilite sa diffusion, permettant ainsi une meilleure diversification des investisseurs, et un couple rendement/risque attractif.
Les modifications portent sur l’extension des actifs éligibles et la diminution de leur part minimale dans les portefeuilles, passant de 70 à 55 %, tandis que les actifs cotés peuvent désormais représenter jusqu'à 45% du portefeuille. Enfin, l'allocation minimale initiale de 10 000 euros a été supprimée. Les changements portent également sur l'alignement des intérêts, avec la possibilité pour le gérant de co-investir avec ses clients, ou encore une plus grande transparence des coûts.
Selon nous, ELTIF 2.0 est un outil clé pour la démocratisation des stratégies de marchés privés en Europe, grâce a son potentiel pour en élargir significativement l'accès. En effet, les fonds de crédit privés ont généralement des montants d'investissement minimums de plusieurs millions d’euros, quand les ELTIF offrent un accès de zéro à quelques dizaines de milliers d’euros.
Naviguer sur les marchés privés : l'importance de la sélectivité et de l'expérience
La croissance significative du private equity au cours des dix dernières années et le fait que les entreprises restent privées plus longtemps ont fait évoluer la profondeur et l'étendue du marché du crédit aux entreprises, auparavant considéré comme un marché de niche.
De plus, dans un contexte d'incertitude persistante autour des taux d'intérêt et de l'inflation, les rendements générés par le crédit privé ne dépendent pas de la dynamique macroéconomique à court terme. Par ailleurs, les portefeuilles sont structurés pour que les primes de rendement compensent le risque de crédit quelle que soit la phase du cycle économique.
Cependant, bien que les rendements soient très attractifs, l'évolution rapide des taux d'intérêt se répercute directement sur les bilans des entreprises. Les entreprises les plus faibles, dont les ratios de couverture des intérêts et les marges sont minces, vont probablement rencontrer des difficultés. Sélectivité et expérience sont donc primordiales pour aborder ce marché.
De nouvelles poches d’opportunités à saisir
Avec environ 16 milliards d'euros d'actifs sous gestion, les ELTIF n’en sont encore qu’à leurs débuts, mais l’opportunité de croissance est immense. A titre de comparaison, les encours des OPCVM s'élèvent à 13 000 milliards d'euros.
Le désengagement des banques contribue particulièrement au développement des ELTIF. Les entreprises s'adressent désormais largement aux marchés des capitaux (publics ou privés) pour leurs besoins de financement. Si aux États-Unis, ce phénomène s’est accéléré au cours des dix dernières années, il devrait en être de même en Europe, offrant de nombreuses opportunités de croissance.
Ce phénomène concernera des entreprise de toute taille, car bien que le crédit privé ait longtemps été associé aux petites entreprises, de nombreuses entreprises connues sont détenues par des fonds d'investissement privés, et occupent pour certaines d’entre elles de solides positions de leader et sont capables de résister à des cycles économiques difficiles.
Enfin, les historiques de performance ont démontré qu’en comparant le crédit privé à la classe d'actifs la plus semblable dans le marché européen des obligations à haut rendement, les risques sont toujours surcompensés. Leur rendement a été de 3,5 % au cours de la dernière décennie, contre près de 10 % pour le crédit privé illiquide.